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Ecrire de plaisir
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24 janvier 2010

Lundi ....ou mardi ?

Je sais, aujourd'hui on est dimanche. Mais ce matin en consultant mon agenda pour savoir si c'était lundi ou mardi que j'avais un rendez-vous, je me suis souvenue que ces deux mots faisaient partie d'une liste de titres éventuels pour des nouvelles, que l'animatrice nous avait donné l'an dernier au cas où nous souhaiterions les écrire même hors atelier, pour nous amuser. Je n'avais été vraiment inspirée par aucun des titres, en fait, et puis aujourd'hui, allez savoir pourquoi, celui-ci a démarré quelque chose. Voici donc le résultat. Inutile de dire que si ça vous donne une idée, votre texte sera tout à fait bienvenu !
Bonne semaine à tous

Voyons ; était-ce lundi ? Ou mardi ? Dimanche, peut-être ? Oh non, tout de même pas dimanche ! En plus j’étais allée à la messe ! Ah et puis je suis bête, elle y était aussi, elle animait en tandem avec Odette et elle m’a jeté un de ses regards meurtriers dont elle a le secret quand j’ai chanté « rendons gâce » au lieu de « grâce ». Si elle avait su que j’avais ravalé de justesse le « r » de garce tant j’avais envie de lui jeter à la figure, je crois que je serais morte pour de bon ! Et je ne serais pas obligée d’essayer de me rappeler si c’était lundi… ou mardi… ou…oh ma mémoire ! Mais je n’ai que 56 ans, elle ne devrait pas flancher aussi souvent ! C’est vrai que depuis quelque temps, avec cette peste qui me prend la tête, je ne sais plus où j’en suis ! Pourtant au début, j’étais tellement heureuse d’être acceptée dans la chorale, moi qui ne connais pas le solfège. J’avais toujours rêvé de chanter ou d’apprendre un instrument, et jamais je n’avais pu, à cause de cette abrutie de prof de sixième qui dès le troisième cours avait décrété :

«Décidément mesdemoiselles, il est hors de question que j’apprenne le solfège à une classe aussi dissipée ! »

Dissipée mon œil, tu ne voulais pas te fatiguer, c’est tout, espèce de sale bête ! Et voilà, une année passée à copier bêtement l’histoire de la musique et l’année d’après, la matière était supprimée au profit de la cuisine. Par la suite j’avais essayé d’apprendre seule mais ça ne rentrait pas. Alors quand Odette m’a invitée à rejoindre la chorale paroissiale en affirmant :

« Le solfège, ce n’est pas important. Tu aimes chanter, tu retiens bien les airs, tu as une jolie voix, ça sera parfait ! »

Je n’ai plus hésité. Et je me suis tout de suite intégrée. Il faut dire que les autres ont été adorables avec moi. Du coup, j’ai même repris ma méthode : « une noire vaut deux blanches, fa la do mi sont les notes entre les lignes de la portée ». Il me semble que ça rentre , même si je ne progresse pas vite. Odette est très contente, elle m’a même donné récemment un ou deux soli dont je me suis pas mal tirée. C’est là que ça s’est gâté avec Mireille. C’est vrai, les atomes n’avaient jamais vraiment croché entre nous, elle m’avait très vite énervée avec ses airs supérieurs. Mais la joie de chanter m’aidait à la supporter. Quant à elle, tant que je demeurais dans le troupeau, tout allait bien. Mais avec ces soli, je commençais à me rapprocher de sa chasse gardée, et ça elle le supportait très mal. Cependant elle cachait encore son jeu et je n’avais rien vu venir. Les autres non plus apparemment, car tout le groupe est tombé des nues quand l’orage a éclaté le lundi où…euh…le lundi ou le mardi ? Attendez…mais oui, le lundi, puisqu’en arrivant à la répétition Gilles avait demandé à partir plus tôt :

- Désolé, c’est ma semaine pour aller chercher les enfants à l’école.

A deux places de moi, Mireille avait marmonné :

« Quand on ne peut pas assurer un engagement, on ne le prend pas !

C’est vrai qu’elle, question engagement, elle en connaît un rayon : catéchisme, permanence au secours catholique, fleurissement et nettoyage périodiques de l’église, réunions bibliques, visites aux prisonniers et aux personnes âgées, et bien sûr chorale, au sein de laquelle elle occupe la place privilégiée de remplaçante d’Odette pour les cérémonies auxquelles celle-ci ne peut assister. Avec cela toujours disponible en cas d’urgence ou d’imprévu ; je suis même sûre que si le curé lui demandait elle célèbrerait à sa place ! Et jamais une minute de retard ni une boucle de travers. D’accord, elle n’a ni mari ni enfants mais il faut reconnaître qu’elle est sacrément efficace. L’ennui, c’est qu’elle se croit irremplaçable et se permet envers les autres des réflexions inadmissibles.  Donc, ce lundi-là ç’a été le drame. Odette venait de me dire :

« Et puis dimanche, Josy, j’aimerais que tu chantes le psaume à la place de Mireille, ça… »

Un violent « ah non ! » l’a interrompue. Tout le monde s’est tourné vers la perturbatrice, qui a eu la grâce de rougir avant de poursuivre :

- Je veux dire…pourquoi changer ? Je suis bien rodée, alors que Josy n’est pas depuis assez longtemps parmi nous pour…

Gentiment Odette l’a contrée, appuyée par d’autres quand j’ai tenté de calmer le jeu en déclinant la proposition, pour finir elle a quitté la salle en pleurant et au passage m’a lancé un regard d’une telle haine que j’en ai presque eu mal au cœur. Après cela, ça n’a fait qu’empirer malgré l’apparence de retour au calme suscité par mon refus de tout solo à l’avenir. Odette étant tombée malade les répétitions, dirigées bien entendu par Mireille, sont devenues un enfer pour moi, d’autant qu’elle avait changé de stratégie. Désormais elle prétendait reconnaître en moi un élément très prometteur mais encore novice qu’il convenait de former avec rigueur, s’excusant humblement lorsque les autres lui reprochaient sa dureté à mon égard, avouant même un jour avec la confusion d’usage et quelques larmes perlant joliment au bout de ses cils  :

- C’est vrai, ma pauvre, pardonne-moi, je suis épouvantable, je le sais bien, mais tu sais c’est parce que je suis jalouse, tu es tellement douée !

Elle alla même, quelques jours plus tard, jusqu’à une magistrale démonstration de remords, s’effondrant en sanglots et proposant de me laisser animer à sa place le dimanche suivant. Je me souviens du silence effaré qui accueillit ses paroles, et du sourire radieux de cette pauvre Odette qui revenait pour la première fois parmi nous ce mardi-là. Où était-ce un lundi ? Non, non, un mardi car Mireille devait aller faire des photocopies pour le caté du lendemain. Mais peu importe, ce fut grandiose. Embrassades, remerciements, félicitations émues de la pauvre Odette à la pécheresse repentante, peut-être coup de pouce angélique pour la récompenser, en tout cas jamais nous n’avions mieux chanté, malgré mon léger scepticisme, que bien sûr je gardai pour moi.

Mes craintes se sont vérifiées dès le lendemain. Je devais passer chez elle pour qu’elle me donne certains documents. Dès la porte refermée, je compris que jamais elle n’avait eu l’intention de capituler ; elle n’avait ménagé ce tête à tête que pour déverser sur moi sans témoin tout le fiel accumulé depuis mon arrivée dans leur groupe, me traîner plus bas que terre et me promettre mille tourments si je n’annonçais pas dès la prochaine rencontre mon intention de quitter la chorale pour des raisons n’ayant rien à voir avec nos différends. Je ne me souviens plus de tout ce qu’elle m’a sorti, je n’écoutais pas vraiment, fascinée par la mince ligne mouvante de sa bouche, par cette voix tour à tour furieuse, doucereuse et geignarde qui ne voulait pas se taire, et sentant monter en moi, lentement, une immense vague rouge qui colorait les murs et les meubles de la pièce, la pendule campagnarde dont les coups me semblaient résonner de plus en plus fort et martelaient mon cerveau, l’impeccable ensemble grège de Mireille, la cheminée contre laquelle elle s’appuyait et, à ma main droite, la boule de verre sous laquelle une petite vierge, les mains écartées en signe d’impuissance, semblait en appeler au ciel avec ses yeux levés, comme si elle partageait mon exaspération. Je crois bien que j’y ai vu un signe, oui, monsieur le commissaire, et c’est avec cette boule de verre que, ni lundi ni mardi mais mercredi, je m’en souviens parfaitement maintenant, j’ai su moi aussi me montrer efficace dans une situation d’urgence et, avec un soulagement indicible, j’ai définitivement cloué le bec à Mireille.

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Commentaires
M
Coucou ! aujourd'hui on est Lundi et je te souhaite une très bonne semaine.<br /> Je reviendrai pour lire ton texte !<br /> Gros bisous<br /> Monelle
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  • parce que j'aime lire et écrire et que, comme je l'ai découvert grâce aux ateliers d'écriture, c'est plus drôle à plusieurs. Parce que c'est passionnant de partager ce que l'on aime (ou pas) avec d'autres et de créer ainsi des liens.
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