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Ecrire de plaisir
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25 janvier 2010

Caracalla

Aujourd'hui dans de vieux papiers j'ai retrouvé "Caracalla", cette saynète amusante et sans prétention que certains d'entre vous connaissent sûrement. A moi elle me rappelle des souvenirs bien agréables, notamment une soirée de Noël un peu folle où toutes les soeurs et tous les beaux frères l'ont représentée devant les parents et grands-parents dans la loufoquerie la plus totale, avec autant de rire du côté des acteurs que des spectateurs ! Aussi j'ai envie de la faire partager à ceux qui ne la connaissent pas encore. Amusez-vous bien, et si le coeur vous en dit vous en trouverez d'autres sur http://www.atatheatre.com/Textes.htm

CARACALLA de Dumanoir & Clairville

PERSONNAGES :
CARACALLA : Empereur Romain
GÉTA : Son Frère
MACRIN : Préfet du Prétoire
LIVIA : Amante de Géta et Fille de Macrin
UN SOLDAT ROMAIN

Scène première, Un palais.
LIVIA , seule  : Hier, Caracalla traversait le Forum,
Et, les yeux à demi cachés sous son péplum
Il m'a, de ses regards, bien longtemps poursuivie.
Ah ! C'est que ma tendresse est son unique envie ;
Et, pour mieux me ravir à mon amant absent,
Il plonge dans les fers un vieillard innocent !
Il poursuit, dans Macrin, le chef de ma famille :
En immolant le père, il ose aimer la fille !
Horreur !...
(Bruit de pas au dehors.)
Qu'entends-je !...
(Allant au fond)
O ciel ! C'est lui, c'est mon Géta
Cet amant que le ciel sur mon chemin jeta !
Geta, qui m'a jetée aux lieux que je végète !...
Courons sur la jetée où mon Geta se jette !

Scène II, Livia, Geta, Un soldat
Le soldat précède Géta et va se placer au fond
GETA , en guerrier, portant un casque démesuré  :
C'est vous, chère princesse, enfin je vous revois !
(Montrant le soldat)
Cette vaillante armée, accourue à ma voix,
Triomphe, et des vaincus rapporte les bannières
Vainement ils s'étaient portés sur nos derrières ;
Nous avons triomphé dans toutes leurs cités,
Par un de ces succès de l'Univers cités,
Et nos soldats vainqueurs, même des inhumaines,
En cueillant des lauriers, recueillent des romaines.
(Après avoir fait quelques pas en tournant)
Mais mon frère est absent.  Hier, Caracalla
Sur un cheval fougueux, dit-on, caracola.
LIVIA : Eh quoi ! Caracalla, dis-tu, caracola ?
GÉTA   : Qui caracolerait, sinon Caracalla ?
LIVIA : Eh ! Quoi ! Pauvre insensé, tu te fais une idole
De ce Caracalla, parce qu'il caracole !
Sais-tu que de mon père il abrège les jours,
Et que je suis l'objet d'impudiques amours !
GÉTA : Toi ?
LIVIA : Oui !
GÉTA : Non !
LIVIA : Si !
GÉTA : Mais
LIVIA : Quoi ?
Géta : Ciel ?
LIVIA : Hein ?
GÉTA : Dieux !...Lui !...mon frère
Ah ! S'il est vrai, Livia, des lauriers de la guerre
Je ne veux plus parer ce noble et large front.
Que les dieux n'ont point fait pour un indigne affront
Je ne serai jamais, non, jamais, je m'en vante
De ces maris qu'aucune injure n'épouvante !
(S'animant)
Plutôt percer ton flanc de ce fer assassin,
Et de ton joli sein, le plonger dans mon sein
(Très vite)
Pour sauver ta vertu, lorsque je m'évertue
Abattu, combattu, veux-tu que je te tue ?
LIVIA : Pas encore. Essayons de quelque autre moyen
Moins sûr, mais plus adroit.
GÉTA : Essayons, je veux bien
Je vais à l'instant même, au palais de Sévère,
Lui parler d'un ton doux, mais d'une voix sévère
Attends. Le trépas seul brisera nos liens.
Je vais, j'attends, je vois, je parle et je reviens
Suivez-moi, mes soldats.
(Il sort à gauche. Le soldat le suit)

Scène III
LIVIA , seule  : Je n'ai plus d'espérance !...
Mais qu'entends-je ? Et qui donc en reculant s'avance ?
Grands dieux ! Caracalla, suivi de ses licteurs !
(Ici l'on voit entrer par la droite le même soldat qui va se placer au fond, exactement comme à la seconde scène)

Scène IV, Livia, Caracalla, le soldat
CARACALLA , à Livia, qui s'éloigne  : restez, restez, princesse, et des dieux créateurs
Ne me dérobez pas la plus parfaite image.
Souffrez qu'à leur chef-d'oeuvre, ici, je rende hommage,
Et qu'à vos deux genoux, le grand Caracalla
Prouve à Livia qu'elle a son âme et sa…
LIVIA : Holà !
CARACALLA : Voilà
LIVIA : Halte-là !...Oui, par la chaste déesse
Qui bannit de nos coeurs toute folle tendresse,
Respectez ce que Rome entière respecta,
La fille de Macrin, l'épouse de Géta !
CARACALLA , éclatant  : Et pourquoi respecter la fille d'un rebelle ?
(Tendrement)
Je vous respecterais, si vous étiez moins belle.
(Marchant)
Mais je commande, moi, Marcus, Aurélius
Antoninus, Rebus, Quibus, Olibrius,
(Revenant à elle)
Caracalla !... Mon coeur par l'amour se corrode !...
J'étais encore enfant, lorsque régnait Commode.
Il découvrit en moi son émule à venir,
Et tout d'abord, à moi, Commode vint s'ouvrir.
Trouvant à mes projets Commode nécessaire,
De Commode, longtemps, je fus le secrétaire.
C'est lui qui nous apprit, sans que nul répliquât,
Que tout coeur de romaine est tendre et délicat.
Il faut que, sans détour, ici tu te prononces :
Les romaines jamais ne mâchent leurs réponses.
L'es-tu ?...réponds, j'attends.
LIVIA : Si je le suis, grands Dieux !
Rome a vu, dans ses murs, naître tous mes aïeux.
Mais de Macrin captif, la fille, en étrangère,
Dans ce triste palais, d’étage en étage erre,
Si Macrin t'entendais me parler des Romains,
Il serait comme un crin, ce Macrin, que tu crains !
Tu me parles de Rome !...Oh ! Oui, je suis romaine,
Et je jure haine à Rome !...Oui, je jure à Rome, haine !
Est-ce en accomplissant tes projets inhumains,
Que tu prétends te faire applaudir des Romains !
CARACALLA , arpentant le théâtre et criant  :
Lorsque tous les romains envahiraient la salle,
Des romains assemblés je brave la cabale !
Longtemps à m'applaudir ils ont usé leurs mains,
Et je ne prétends plus aux bravos des romains !

Scène V, Les mêmes, Géta
(Géta paraît et s'arrête au fond)
LIVIA : De grâce !...écoutez-moi !
CARACALLA : Je ne veux rien entendre,
Et tu m'appartiendras !
GÉTA , le repoussant. Eh bien ! Viens donc la prendre !
( Il la poignarde à plusieurs reprises)
LIVIA : AH !
CARACALLA : Morte !
GÉTA, qui l'a étendue par terre avec soin  : Viens la prendre à la tombe !
CARACALLA : A dessein,
D'un poignard assassin  frapper un si beau sein !
(Poignardant Géta)
Infâme !
GÉTA : Ah !
CARACALLA : Meurs aussi !
GÉTA : Juste Ciel ! Je succombe !
(Il tombe la face contre terre, les mains étendues)
CARACALLA , fait un geste d'insouciance et va sortir lorsqu'il se trouve en face de Macrin, et recule avec terreur. Mais quel est ce fantôme ?...Il sort donc de la tombe !...
Macrin ! Lui ! Se peut-il !...

Scène VI, Les mêmes, Macrin
MACRIN : Non, je ne suis pas mort,
Et je sors du tombeau comme un vieillard en sort !
Un pâtre m'a sauvé : le peuple, pour t'abattre,
Avait de mon cachot donné la clef au pâtre.
Je te brave à mon tour, et j'ai pour combattants
Trois cent mille Romains et deux cent mille francs !
(Montrant Livia)
Voila plus de quinze ans qu'en en forçant la porte,
Ma fille, en mon cachot, seule à manger m'apporte.
Eh bien ! Pour la venger, quand je sors du tombeau,
Le ciel dira gloire au bourreau de son bourreau !
(Il frappe Caracalla au dos)
CARACALLA : Ah ! Quel coup je reçois !... le traître ! Par derrière,
Il m'a percé le sein !...Déjà ma voix s'altère ,
Je ne puis dire un mot, c'est l'instant de parler.
Mon âme, au noir séjour, prête à dégringoler,
Se rappelle, en tremblant, le nombre de ses crimes !
Je suis environné de toutes mes victimes !
Quel Dieu, pour me punir, vient de les rassembler ?...
(D'une voix brisée. Criant)
Je ne peux plus parler, je ne peux plus parler !
C'est toi, Ninus !...C'est toi, Varon !...C'est toi, tendre Octavie !...
Venez-vous à ce mort redemander la vie ?
Où je vous ai conduits, je vais moi-même aller
(Il tombe, puis se remet tout à coup sur son séant)
Parlons, parlons encor, parlons toujours sur terre !
Parlons, comme l'on parle au moment de se taire !
Parlons : car ma parole est prête à s'envoler !
(Il tombe, puis se relève et crie.)
Ah ! Je ne parle plus !... Je ne peux plus parler !
Ah !...
(Il meurt)
MACRIN : Le voilà donc mort ! Sans espoir de renaitre !
Qu'un grand homme est petit, quand il a cessé d'être !
Mais, quoi ! Tous ils sont morts, et, dans cet abandon,
Je survivrais à tous, moi, Macrin !... Ma foi, non !

(Il se poignarde et tombe. A peine est-il tombé, que le soldat, resté jusque-là impassible, s'avance, se tue et tombe au milieu d'eux. Le rideau se baisse)

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  • parce que j'aime lire et écrire et que, comme je l'ai découvert grâce aux ateliers d'écriture, c'est plus drôle à plusieurs. Parce que c'est passionnant de partager ce que l'on aime (ou pas) avec d'autres et de créer ainsi des liens.
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