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Ecrire de plaisir
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4 novembre 2009

petit coin de parapluie ?

Rouge souvenir

Il a plu, il pleut, et vraisemblablement il pleuvra. C'est la saison et jusqu'ici, chez nous, nous avons eu un "gros rab'" de soleil alors ne boudons pas. On sera bien content qu'il ait plu, l'été prochain. En attendant, voici deux histoires de parapluie.

Souvenir cerise

Le vieux monsieur considéra les quatre parapluies alignés sur le comptoir et secoua la tête en disant, presque d’un ton d’excuse :

« Le mien était plus petit, plus fin, et d’un rouge particulier, cerise, vous savez, ces cerises qui semblent vernies tant elles brillent. Et puis, elle avait un si joli rire, vous comprenez ? »

- Euh… fit l’employé qui, à vrai dire, ne comprenait pas vraiment. Mais manifestement cela n’avait aucune importance ; à voir son regard, le vieux monsieur était loin, très loin du bureau aux murs jaunâtres, au comptoir lustré par la crasse et le frottement des milliards d’objets qu’on y avait déposé depuis son ouverture ; très, très loin des parapluies qui semblaient presque honteux (ou tristes, sait-on jamais ?) de ne pas ressembler davantage à ce doux souvenir cerise.

L’employé n’était pas un mauvais bougre. Et puis il se rappelait fort bien ce regard rêveur, cette voix retenue chez sa grand-mère lorsqu’elle évoquait ses moments de bonheur. Il s’efforça de devenir aussi anonyme et silencieux que la pièce et croisa les doigts pour que personne n’entre avant la fin du récit qui arrivait.

En effet, son vis-à-vis, un sourire très doux sur les lèvres, poursuivait :

- Oh oui, elle avait un joli rire, qui faisait naître une adorable fossette et pétiller ses yeux. D’ailleurs tout chez elle était joli, charmant, elle embellissait le taxi, ce soir-là, dans sa robe de bal…Et j’ai failli passer à côté de ce cadeau, j’étais si pressé, si affairé ! Il faut dire que j’étais très jeune, et c’était un de mes premiers « rendez-vous d’affaires ». Je sortais en trombe de chez moi, déjà stressé comme on dit aujourd’hui, parce que j’avais tout juste le temps d’arriver à l’endroit indiqué, ce qui signifiait que je serais vraisemblablement en retard. J’ai aperçu le taxi à l’arrêt devant mon immeuble, j’ai piqué un sprint, ouvert la porte, je me suis écroulé sur la banquette en maugréant l’adresse…et elle a éclaté de rire.

L’employé pouffa. Il imaginait parfaitement la scène. Encouragé, le vieil homme continua :

- Croyez-vous que je me serais excusé ? Non, la première stupeur vite passée je me suis exclamé « Oh ! La plaie ! ». Si vous aviez vu le regard scandalisé du chauffeur ! Mais elle, elle a ri de plus belle et a répliqué :

- Non, Maryse, et vous ?

Du coup, le ridicule et la muflerie de ma conduite me sont enfin apparus, j’ai balbutié des excuses, des histoires de rendez-vous absolument crucial, je crains même d’avoir prononcé les mots « question de vie ou de mort » et elle a coupé court de sa voix mélodieuse :

- Dans ce cas, monsieur, je m’en voudrais d’être la cause de votre décès prématuré ! Allons d’abord à votre rendez-vous, je me rendrai ensuite au mien.

Le taxi a démarré. J’ai tâché de me calmer, me suis présenté dans les formes, ai réitéré mes excuses et nous nous sommes mis à bavarder. Et puis brutalement, l’orage qui menaçait depuis le matin a éclaté : trombes d’eau, éclairs impressionnants, grondements assourdissants du tonnerre. Ma voisine a murmuré d’une voix faible :

- Oh non !

Bien sûr, j’ai tout de suite pensé qu’elle avait peur et me suis préparé à rassurer la pauvre petite chose, mais en fait elle fixait sa robe avec consternation et je me suis enfin rendu compte que, lorsque je lui avais si cavalièrement imposé ma présence, elle se rendait certainement à une réception. Sa toilette, absolument ravissante, ne résisterait pas à un tel déluge. J’ai donc dirigé le chauffeur vers un magasin que je connaissais, je suis sorti en trombe du véhicule, pour revenir quelques minutes plus tard trempé comme un chaton qu’on a tenté de noyer mais brandissant triomphalement, un paquet soigneusement enveloppé. Une fois à l’abri, je dégageai de son écrin opaque un parapluie…minuscule et d’un rouge flamboyant. Horrifié je bredouillai:

- Je suis désolé, désolé, vraiment, je ne l’ai pas déballé, il vous fallait un parapluie et c’était quasiment le seul qui restait, la vendeuse…

Mais pour la troisième fois son rire éclatait, devenait même un fou rire qui faisait couler les larmes sur ses joues et qu’elle tentait de juguler pour me répondre :

- Ce n’est rien je vous assure, c’est trop gentil de votre part, et puis j’adore ce parapluie, je suis sûre qu’il va me valoir un succès fou…

Alors je lui ai dit :

- Mademoiselle, c’est votre charme qui est fou, je vous aime, voulez-vous m’épouser ?

- Ben dites donc – s’exclama l’employé qui riait aussi – vous ne traînez pas !

Le monsieur gloussa.

- C’est la seule décision que j’ai prise aussi vite de toute ma vie. Et que je n’ai jamais regrettée. Pas une seule seconde en quarante sept ans – un bref silence – jusqu’à la semaine dernière.

L’employé sentit sa gorge se serrer.

- Elle est partie. Sans m’attendre comme elle me l’avait promis. Sans prévenir, non plus. Ou peut-être n’ai je pas compris. Elle était un peu fatiguée et nous nous sommes couchés plus tôt. Il pleuvait à verse déjà. Elle a ri et a dit : « Chaque fois qu’il pleut si fort je revois ton visage quand tu a déballé le parapluie. Tu étais aussi rouge que lui ! Pourtant, sans le savoir, tu m’offrais en même temps toute une vie de bonheur » Elle a pris ma main dans la sienne et nous nous sommes endormis ainsi. Au matin… Je lui ai laissé le parapluie. Moi la pluie, maintenant…

Il eut un léger haussement d’épaules et se détourna, après avoir salué l’employé. Celui-ci ne put s’empêcher de lui lancer :

- Vous reviendrez ? – puis bafouilla, malheureux – juste au cas où, vous comprenez, on ne sait jamais…

Le monsieur se retourna et lui adressa un pâle sourire.

- Non - vous avez raison, on ne sait jamais.

Mais il ne revint pas. Le soir même il s’en était allé rejoindre sa petite jeune fille, qui l’attendait, ravissante dans sa fragile toilette, et si attendrissante sous son minuscule parapluie cerise.

La deuxième histoire est née dans le bus qui emmenait à l'école ma petite-fille Camille, âgée à l'époque de 9 ans. Nous nous amusions parfois, pendant le trajet, à "tricoter" des histoires à deux voix.

Le parapluie du vieux monsieur

Il était une fois un vieux monsieur qui voulait acheter un parapluie. Le vendeur lui en proposa d’abord un gros, tout noir.

“Oh non ! s’écria le vieux monsieur, pas un noir ! Et puis il est trop gros !”

Vite, vite le vendeur retourna dans l’arrière boutique et ramena un parapluie plus petit, tout gris.

“Non, non” dit le vieux monsieur

“Un marron alors ?”

“Non, non, non ! Je veux un petit parapluie, et rouge !”

Le vendeur ouvrit des yeux ronds comme des soucoupes.

“Rouge !”

Et il pensait :

“ Un parapluie rouge, non vraiment, ce n’est pas sérieux pour un vieux monsieur !”

“Mais oui... » commença le vieux monsieur, et puis, devant la mine sévère du vendeur, il éclata de rire et s’exclama :

“Ah, je comprends ! Mais ce n’est pas pour moi, c’est pour ma petite fille ! Elle a déjà un parapluie vert, un bleu, un jaune, un orange, un violet et un indigo, il ne lui en manque plus qu’un rouge pour avoir l’air d’un arc en ciel, et que la pluie ne tombe plus jamais sur elle !

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Commentaires
P
Comme c'est joli!!!!<br /> Si j'osai, je vous empruterai volontier le deuxième parapluie.<br /> Belle soirée,<br /> Pierre
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  • parce que j'aime lire et écrire et que, comme je l'ai découvert grâce aux ateliers d'écriture, c'est plus drôle à plusieurs. Parce que c'est passionnant de partager ce que l'on aime (ou pas) avec d'autres et de créer ainsi des liens.
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