Lumière

"La fin de notre vie ne coïncide pas forcément avec le jour de notre mort. Pour certains elle vient bien avant mais pour celui qui est vraiment vivant, elle ne vient peut-être jamais. Je ne désespère jamais car j'ai toute confiance en la mort. J'ai en effet une confiance en la vie qui va jusqu'à cet extrême-là. La mort, qui est du temps, ne peut pas toucher quelque chose qui n'est pas du temps, mais il faut faire un effort énorme pour le voir. Il y a quelque chose qui se maintient malgré la mort. Cette chose est comme une joie irrépressible, une joie sans cause qui me parle de Dieu et de son absence, une lumière qui reste, comme une fleur qui n'aurait besoin du support d'aucune tige. Il y a la douleur du deuil mais il y a aussi une douceur énorme de la pensée des morts (...) je crois que les morts savent  quelque chose en regard de quoi nous sommes analphabètes. Si les morts ne reviennent pas, c'est peut-être parce qu'ils ont trouvé une merveille plus grande que toute leur vie passée. Je vois les morts comme délivrés de tous soucis et préoccupés sans fin par une pensée d'une beauté incroyable. La vie passe son temps à couper cette pensée qui va du coeur au coeur. Elle est obscurcie sans arrêt et puis elle reprend. Je n'ai pas le sentiment du néant. Pourquoi devrais-je me gêner pour le dire, si je ressens les choses ainsi ?" Christian Bobin, "La Lumière du monde" Gallimard 2001

Et moi, pourquoi ne le dirais-je pas, si je souscris à ces paroles ?