Minet ou Jacquet ?

"Dès potron-minet ils se mirent en route...". J'aime beaucoup cette expression - qui comme vous le savez veut dire "très tôt le matin" - et comme je suis aussi curieuse que le minet dont il est question ("la curiosité a tué le chat" dit même un proverbe anglais !), j'ai voulu en connaître l'origine. Voici ce que j'ai trouvé sur le site, passionnant par ailleurs :

http://www.francparler.com

"Potron vient de "poitron", qui lui-même vient de "poistron", du latin posterio, postérieur : le derrière, donc.
Et un "jacquet", en normand, est un écureuil.

Ainsi donc "dès potron-jacquet" signifiait en peu de mots : dès qu'on voit le derrière des écureuils, et ceux-ci sont extrêmement matinaux.

Cette très belle représentation est de Hans Hoffmann

Il va sans dire qu'au fil du temps et de l'urbanisation, au XIXème siècle, les écureuils devinrent de moins en moins "quotidiens", d'où, peut-être, le remplacement de l'expression en "potron-minet", le minet étant le chat, plus commun en tout lieu.

Il n'est pas rare également de voir l'écriture "patron-minet".
Deux interprétations différentes à cette variante : ou bien ce fut une "attaque" humoristique associant les patrons au postérieur, ou bien ce fut simplement par ignorance de la signification du terme "potron" qu'on a, par commodité, remplacé par un terme plus usité..."

Et l'auteur de l'article de conclure

"Pour ma part je m'amuserais à urbaniser de façon résolument provocante l'expression en affirmant que l'aube, de nos jours à Paris, pourrait débuter dès "potron-pigeon" !!! C'est, certes, moins poétique, mais finalement peut-être encore plus conforme à la réalité de nos rues.."

Mais puisque désormais minet il y a, en voici un rencontré le mois dernier à Lambesc lors d'une promenade contée. Immobile entre deux volets bleu lavande sur un balcon festonné de feuilles vertes, il était magnifique, un vrai tableau vivant (je le soupçonne d'ailleurs de l'avoir su, c'est pourquoi il gardait si bien la pose !).

Mais du coup il n'a pas pu suivre nos déambulations à travers la ville, entrecoupées de haltes dans des recoins accueillants où des conteurs nous enchantaient. Alors pour lui, et pour vous, voici un conte norvégien :

Le chat géant des monts Dovrefjell

Il y a bien longtemps un homme était allé en Finlande et y avait trouvé un magnifique ours blanc. Il l'acheta pour l'offrir au roi du Danemark. Comme il passait par les monts Dovrefjell au centre de la Norvège, il s'arrêta chez son ami Halvor et lui demanda de les héberger pour la nuit, son ours et lui.

- Je le voudrais bien - répondit Halvor en soupirant - mais nous sommes la veille de Noël et les trolls de la montagne ont décidé de venir célébrer la fête chez moi. Ils sont nombreux et dévorent toutes mes réserves. Je regrette, vraiment !

- Ecoute Halvor, nous ne dérangerons pas leur fête : nous sommes tellement fatigués que nous allons dormir comme des loirs. Mon ours couchera sous le poèle là-bas et moi dans l'alcôve. Personne ne nous remarquera.

Il insista tant que le maître de maison se laissa convaincre et les deux voyageurs s'installèrent. Les serviteurs disposèrent les tables et les chaises et, à minuit, tout était prêt pour recevoir les trolls des montagnes : gâteaux de riz, saumon au court-bouillon, saucisses grillées et beaucoup d'autres délices. Alors arrivèrent les trolls. Certains étaient grands à toucher le plafond, d'autres petits à rester debouts sous les tabourets, certains avaient de longues queues touffues et d'autres pas de queue du tout ; et tous mangeaient, buvaient, riaient. Tout alla bien jusqu'à ce que l'un des petits trolls aperçût l'ours blanc couché sous le poèle. Il piqua une saucisse au bout de sa fourchette et vient la promener sous le nez de l'animal endormi en criant :

- Minou, minou, tu veux goûter cette bonne saucisse ?

Dérangé brusquement dans son sommeil l'ours se redressa de toute sa taille, grondant et griffant les trolls terrifiés qui s'enfuirent en hurlant, les grands écrasant les petits : une vraie panique.

L'année suivante, à la même époque, Halvor était dehors à couper du bois en prévision de la fête de Noël, car il pensait que les trolls allaient revenir. Soudain on le héla :

- Halvor, Halvor !

- Oui ? Qui m'appelle ?

- Le gros minou blanc est-il encore chez toi ?

- Bien sûr - répondit Halvor sans se démonter - et il a eu sept chatons encore plus gros et plus féroces que lui !

- Oh ! Alors nous reviendrons plus jamais te rendre visite ! hurla le troll, prudemment resté au loin dans la forêt.

Et il tint parole, au grand soulagement d'Halvor.

Donc, si des trolls vous ennuient aux alentours de Noël, invitez un ours blanc chez vous et le problème sera réglé. En attendant, un petit jeu : Dans cet article vous avez deux autres noms pour le chat : minet et  minou. Combien d'autres pouvez-vous en trouver (y compris des noms propres devenus par l'usage des noms communs, comme...non ! Je vous le dirai plus tard !) ?

Belle journée.