Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Ecrire de plaisir
Ecrire de plaisir
Archives
7 mai 2010

L'empereur et son oiseau

Il était une fois un empereur qui possédait un trésor inestimable. Mais ce trésor n’était ni d’or ni de pierres précieuses, il était vivant. C’était un oiseau qui parlait toutes les langues du monde et dont, en plus, le chant était tellement sublime que l’entendre vous remplissait d’une joie quasi céleste. Chaque matin, dès que l’empereur ouvrait les yeux, la toute première chose qu’il faisait était de sauter de son lit et de courir voir l’oiseau. Celui-ci l’accueillait par un de ses chants extraordinaires et l’empereur était empli de bonheur toute la journée.
L’empereur était tellement reconnaissant de cette joie merveilleuse qu’il ne savait quoi inventer pour faire plaisir à l’oiseau. Il le nourrissait de graines soigneusement choisies et d’eau d’une totale pureté, lui  avait spécialement attaché un médecin et l’avait installé devant une fenêtre ouverte, dans une immense cage en verre, ainsi l’oiseau ne voyait pas de barreaux, avait de la place pour s’ébattre et pouvait admirer au long des saisons les jardins avec leurs fleurs et leurs arbres, et au delà la rivière, la montagne, il pouvait voir se lever et se coucher le soleil, filer les nuages. Oui mais… une cage reste une cage, et lorsque, pour le remercier encore de son chant, l’empereur lui demandait tous les matins :

«  Oiseau, que veux-tu que je fasse pour toi, qu’est-ce qui te rendrait heureux ? »

L’oiseau répondait invariablement :

- Rends-moi ma liberté ô empereur.

Mais cela, c’était la chose entre toutes que l’empereur ne pouvait lui accorder. Chaque matin il s’écriait, désolé :

- Oiseau, je ne peux pas ! Je regrette vraiment, crois-moi, mais je ne peux pas ! Si je faisais cela, tu partirais, et de ne plus t’entendre, mon cœur se briserait, je mourrais ! Pardonne-moi mais non, je ne peux pas te rendre ta liberté.

Alors l’oiseau se taisait, et un jour de plus se passait.
2317124894_2ea19f22e4_o

Un matin, l’empereur dit à l’oiseau :

- Oiseau, vois comme la vie est étrange, je pars dans ton pays ! Mon royaume et le tien ont pris des contacts et je m’en vais pour tenter de signer des accords de commerce. Veux-tu que je te ramène quelque chose ? Une fleur de ton pays qui ne pousse pas ici ? Des graines spéciales ? Que veux-tu ? Demande, et quoi que ce soit je te le ramènerai.

Mais l’oiseau, comme tous les matins, répondit :

- La seule chose que je te demande, ô empereur, c’est ma liberté.

Et une fois de plus l’empereur, plein de chagrin, s’écria qu’il ne ferait jamais une chose pareille car il ne pouvait supporter l’idée de ne plus entendre l’oiseau. N’y avait-il vraiment rien d’autre qui puisse lui faire plaisir ? Alors l’oiseau dit :

- Si, en fait. Tu peux faire quelque chose pour moi. Promets-moi d’aller dans la forêt où je suis né. Tu la trouveras facilement, c’est la plus dense et la plus vaste de toutes les forêts du pays. Une fois arrivé, marche jusqu’à ce que tu te trouves devant un arbre si grand qu’il semble toucher le ciel. Et là, attend, jusqu’à ce qu’un oiseau qui me ressemble en tout point se pose sur une des branches de l’arbre. Lorsqu’il paraîtra, dis-lui : « J’ai chez moi l’un des tiens. Il te fait dire qu’il vit dans une grande cage, et qu’il est heureux ». Le feras-tu ?

- Je le ferai, je le ferai, c’est promis !

Affirma l’empereur, tout heureux de pouvoir faire quelque chose pour son oiseau.

Et il partit. Les discussions ne furent pas aussi aisées qu’il l’avait pensé, et lorsqu’enfin tous les contrats prévus plus quelques autres furent signés, et que l’empereur se rappela sa promesse, on était la veille du départ ! Si la forêt était si vaste, il n’aurait peut-être pas le temps de trouver l’arbre, et si l’oiseau le faisait attendre, et si… mais l’empereur se reprit : l’oiseau lui avait donné tant de joie, pour une fois qu’il pouvait l’en remercier, il n’allait pas trahir sa promesse !
Il se mit donc en route. L’oiseau avait dit vrai, et le temps qu’il trouve la forêt, puis l’arbre, le jour avait dangereusement décliné. Et aucun oiseau ne se montrait. Il attendit, attendit, et au moment où, la mort dans l’âme, il allait se résigner à repartir, un oiseau magnifique en tout point semblable au sien se posa sur la branche en face de lui et le regarda, sans rien dire. Alors l’empereur prit la parole.

- Salut oiseau. J’ai chez moi l’un des tiens, qui te fait dire qu’il vit dans une grande cage, et qu’il est très heureux.

A peine avait-il fini sa phrase que l’oiseau tomba à ses pieds, mort.
Le cœur de l’empereur se glaça. Que s’était-il passé ? Il avait pourtant suivi à la lettre les instructions, il avait parlé doucement, sans bouger !! Et maintenant que faire ? Son oiseau lui demanderait sûrement s’il avait tenu sa promesse ! Et s’il lui apprenait ce qui s’était passé, n’allait-il pas  lui en vouloir ? Refuser désormais de chanter pour lui ? Ou éprouver un si grand chagrin que son cœur serait brisé et… Non, ce n’était pas possible, il ne pouvait pas lui dire ! Mais il ne pouvait pas non plus lui mentir, il n’avait pas le droit. Et puis l’oiseau le saurait, sans aucun doute.

Tout en remuant ces sombres pensées, l’empereur revint vers sa suite, passa une nuit blanche, et se tourmenta pendant tout le voyage du retour, balançant entre le silence, le mensonge ou la vérité. A l’arrivée cependant il s’était décidé et, le cœur rempli d’appréhension il alla voir son oiseau.

- Et bien empereur, ton voyage a-t-il été couronné de succès ? Tu as pu admirer combien mon pays est beau ? Et as-tu tenu ta promesse ? Raconte moi !

Et tout triste, il raconta :

-… et je n’ai pas compris ce qui s’est passé, pourtant j’ai fait exactement ce que tu m’avais dit mais… dès que je me suis tu, il est tombé, il était mort ! Oh oiseau je suis tellement désolé, tellement triste…

L’oiseau ne dit rien. Mais une seconde plus tard lui aussi gisait sur le fond de sa cage, tout raide. Mort.

- Non ! cria l’empereur bouleversé en se précipitant pour ouvrir la cage, ce n’est pas possible, c’est une malédiction !  Oiseau, oiseau, remets-toi, réponds-moi, je t’en prie…

Il avançait la main pour prendre le petit corps lorsque l’oiseau, d’un coup d’aile, fila se percher sur la plus haute branche d’un pommier devant la fenêtre. Suffoqué, l’empereur le regardait, bouche ouverte, n’y comprenant plus rien. L’oiseau expliqua.

- Quand je t’ai envoyé vers les miens avec mon message, je savais qu’ils comprendraient et qu’ils trouveraient un moyen de me faire recouvrer ma liberté. J’ai eu ma réponse, et…voilà !
1438086981_0cfa22605f_b

- Mais alors…alors, balbutia l’empereur, maintenant tu vas t’envoler, me quitter, je ne t’entendrai plus jamais ! Oh non, je ne pourrai pas le supporter, j’en mourrai !

- Empereur, répondit l’oiseau avec douceur, qui te dis que je veux te quitter ? Je souhaitais seulement être libre, libre de choisir, car jusqu’à présent, je n’avais pas le choix. Maintenant je l’ai. Et je choisis de continuer à chanter pour toi, non parce que j’y suis obligé mais parce que je t’aime et que j’aime te voir heureux. Oui, je vais m’envoler, mais je reviendrai, chaque matin, et je chanterai pour toi.

Ainsi fit-il. Peut-être le fait-il encore. Mais ce n’est plus la même histoire. Alors je quitte le palais sur la pointe des pieds et je les laisse tous les deux, en souhaitant que vous aussi, un chant quel qu'il soit vous mette chaque jour la joie au coeur. Belle journée.

The_Loved_Birds_by_luminatii

Publicité
Commentaires
Ecrire de plaisir
  • parce que j'aime lire et écrire et que, comme je l'ai découvert grâce aux ateliers d'écriture, c'est plus drôle à plusieurs. Parce que c'est passionnant de partager ce que l'on aime (ou pas) avec d'autres et de créer ainsi des liens.
  • Accueil du blog
  • Créer un blog avec CanalBlog
Publicité
Newsletter
Publicité