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Ecrire de plaisir
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25 novembre 2009

Les Catherine écrivent aussi

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Salut et bonne fête à toutes les Catherine. Pour célébrer cette journée, j'ai cherché  quelques femmes de plume prénommées Catherine et dont l'œuvre n'ait pas été archi ressassée. Les deux dont je vous parle sont contemporaines. J'ai trouvé la première (Catherine Dufour) totalement irrévérencieuse,drôle et acide (sulfurique...). Voici un extrait de la première page de son roman "L'immortalité moins six minutes", mais si vous voulez en lire davantage vous la trouverez à http://www.noosfere.com/heberg/dufour.

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"A un kilomètre du village de Pistou, dans une toute petite clairière qui trouillotait d’une pastille de clarté blonde le coeur obscur de la forêt, deux fées étaient assises l’une à côté de l’autre.
Le soleil, passant ses pinceaux ardents entre les feuilles dentelées des chênes, posait des glacis brillant sur leurs cheveux pâles et les fines soieries dont elles étaient vêtues. Des nuages de pollens dansaient dans l’air statique, frais et lourd d’humidité. Les crosses des pougères dégouttaient de rosée, de petits champignons, roses et ronds comme des orteils, montaient en meute à l’assaut d’énormes racines moussues. Les deux fées discutaient entre elles, de leur voix mélodieuse, ou disons que l’une d’elle monologuait tandis que l’autre faisait assez mal semblant d’écouter :
« Tu crois qu’il m’aime ?
- Comment ?
Assise sur une branche basse capitonnée de lichen bleu, la fée Babine-Babine se balançait doucement. Son œil était rêveur, et son minois transpirait de niaiserie. Elle mâchonnait le bout de son pouce étroitement bandé - c’est à des détails comme ça qu’on reconnaît les apprenties ensorceleuses. La fée Pétrol’Kiwi, elle, était en train de préparer sur ses genoux, dans un pot de bois, un nouvel onguent anti-mycosique dont elle attendait des effets miraculeux contre la spongiure du bouleau. En tout cas, plus miraculeux que ceux de l’onguent précédent, lequel dissolvait le parasite, l’écorce, le pot et ses genoux avec un appétit égal.
- Tu crois qu’il m’aime ? répéta Babine-Babine. Loki. Le korrigan dont je viens de te parler pendant un quart d’heure. Oui ?
- Le grand dépendu aux cheveux rouges ? Je pensais que cette saison, tu en étais à l’elfe noir ? Celui qui se fait appeler Porteur-de-tempête ?
- Moudubas ?
- Voilà.
Pétrol’Kiwi ricana dans son pot. Car elle même portait pour vrai patronyme la croix pesante de Tendance-haussière, aussi estimait-elle qu’elle avait bien le droit de se moquer.
- Vois-tu, analysa Babine-Babine, je crois qu’entre Moudubas et moi, ça n’a jamais été vraiment sérieux. C’est un très bon ami, bien sûr, mais je le trouve un peu immature, tu vois ?
- …
- En fait, je crois qu’il a peur de s’attacher. L’idée de devoir faire un choix l’angoisse terriblement, tu vois ?
- …
- Tu pourrais faire un effort pour t’intéresser un peu à autre chose qu’à toi, grommela Babine-Babine dans son pansement.
- Moudubas est un crétin, déclara Pétrol’Kiwi d’un ton à glacer définitivement les confidences les plus subtilement analytiques.
- Tu es dure. Je crois qu’il se cherche, c’est tout.
- Eh bien, pour se trouver, il est pas rendu."

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Pour la seconde, Catherine Laurent, j'ai choisi cet extrait du superbe "Dernière Campagne"

"Quoiqu'elle dise, il a toujours pour elle une écoute tendre et pleine d'intelligence. Elle a l'air de chanter un chant de vie sortant tellement de l'ordinaire qu'il y trouve un plaisir égal à celui d'écouter les baleines.

      (...)

         Parfois, elle se tait ; elle se perd en elle-même. Elle ne trouve plus les mots et ça, c'est rare. ça fait un espace entre eux. ça lui donne le temps de la voir, de la regarder soudain au lieu de l'écouter. Pourtant le doux murmure de ses paroles ne le quitte pas. Il la voit telle qu'elle est, seule et intense. Pleine d'excès de ses passions contenues. Entre ce qu'elle est et ce qu'elle voudrait être, une fracture. Et lui, il se situe là, juste dans cet espace. Il sait que la vérité de cette femme est en cela : l'impossible gestion de ses extrêmes. C'est pour cela qu'elle parle.

         Il l'observe, il lui tourne autour, il la prend dans ses regards. Il sait déjà qu'il l'aime mais aussi qu'elle n'est pas ici pour cela, se faire aimer. Leur histoire est autre. Leur relation c'est du temps et du plaisir d'être ensemble.

         Chacun à sa place, les rôles distribués.

         Cette femme possède un chant particulier qu'elle-même ignore. Lui, il le perçoit. Mais contrairement à celui des baleines, ce n'est pas un chant plein de bonheur d'exister, joueur, exultant, c'est le chant d'un être qui cherche sa vérité, qui n'y est pas, jamais.

         C'est une mélodie que pourraient chanter les cétacés si un jour il leur arrivait d'avoir perdu le sens de leur existence. Il n'ose pas alors imaginer ce qu'il entendrait le long des côtes et au cœur de l'océan.

         Lui, ce qu'il aimerait, c'est qu'elle retrouve la justesse des mélopées des baleines du grand large. Grâce à elle, il s'est découvert un autre désir, un sentiment qui le rattache enfin aux humains.

         Il entend la musique de la voix de cette femme. Il identifie autre chose que le sens des mots qu'elle prononce. C'est la musique de son corps qu'il entend. Désormais son plaisir à lui c'est d'être dans la musique du corps de la femme et d'attendre chaque jour ce plaisir. Ce n'est pas être dans son corps ni le posséder. C'est vivre dans cette sorte d'amour qui le lie aux grands mammifères qui enchantent sa vie. C'est tout. Mais ça, jamais il n'avait pensé qu'il pourrait l'attendre d'une femme.

         Ça fait un moment déjà qu'elle vient le voir, qu'elle lui parle. Il sait beaucoup de choses d'elle mais quelque chose lui fait sentir qu'il ignore l'essentiel, comme le noyau de sa confidence. Un silence dort en elle autour duquel elle tourne sans pouvoir le nommer.

         Il attend."

A nouveau, une très belle fête à toutes les Catherine, et une excellente journée à tout le monde.

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PS : Bien entendu, vous aviez complété ce qui manquait à ma petite blague d'hier  : "C'est un dromaludaire A DEUX BOSSES" (je n'ai remarqué cet oubli que ce matin, mea culpa. Pourtant je n'avais pas encore bu mon thé d'herbes, je le jure !)

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Commentaires
C
Merci donc pour ma fête, même un jour après, c'est bien, ça prolonge !<br /> amicalement<br /> Cathy
M
Hier au soir, je n'avais pas lu les 2 extraits, voilà qui est fait ! je préfère nettement le style de Catherine Laurent.<br /> A tout bientôt<br /> Bisous - Monelle
M
Je vois que toi aussi tu as pensé aux Catherine, moi c'est plutôt aux Catherinettes.<br /> Bonne soirée - bisous<br /> Monelle
C
C'est comme un cadeau ce blog où je découvre un commun amour des mots et du plaisir d'écrire, et oui c'est ma fête aujourd'hui ! Merci <br /> CathyM
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  • parce que j'aime lire et écrire et que, comme je l'ai découvert grâce aux ateliers d'écriture, c'est plus drôle à plusieurs. Parce que c'est passionnant de partager ce que l'on aime (ou pas) avec d'autres et de créer ainsi des liens.
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