Love is...
Quand je vous ai parlé du film « Le Concert », la drôlerie des répliques des Russes due à leur maîtrise imparfaite de la langue française m’avait donné envie de faire un billet sur le sujet des lapsus et distorsions volontaires ou non. Il me manque encore un élément pour vous le livrer, et en attendant j’ai eu envie, en repensant au surprenant salut du chef d’orchestre à sa soliste («Je vous baise chaleureusement ») de chercher quelques textes sur l’amour. En voici quatre.
D’abord un poème de Louise Labé (1526-1566), dont vous comprendrez tout de suite pourquoi je l’ai choisi.
Baise m'encor, rebaise moy et baise :
Donne m'en un de tes plus savoureus,
Donne m'en un de tes plus amoureus :
Je t'en rendray quatre plus chaus que braise
Las, te pleins tu ? ça que ce mal j'apaise,
En t'en donnant dix autres doucereus.
Ainsi meslans nos baisers tant heureus
Jouissons nous l'un de I'autre à notre aise.
Lors double vie à chacun en suivra.
Chacun en soy et son ami vivra.
Permets m'Amour penser quelque folie :
Tousjours suis mal, vivant discrettement,
Et ne me puis donner contentement,
Si hors de moy ne fay quelque saillie.
Ensuite, Paul Eluard, avec des extraits du « Dit de la force de l’amour », écrit en 1947 pour l’ouverture d’une émission de radio.
« Hommes, femmes (…) qui, perpétuellement, naissez à l’amour, avouez à haute voix ce que vous ressentez, criez « je t’aime » par-dessus toutes les souffrances qui vous sont infligées, contre toute pudeur, contre toute contrainte, contre toute malédiction, contre le dédain des brutes, contre le blâme des moralistes. Crie-le même contre un cœur qui ne s’ouvre pas, contre un regard qui s’égare, contre un sein qui se refuse. Vous ne le regretterez pas, car vous n’avez d’autre occasion d’être sincère (…) Votre cri vous fera grand et il grandira les autres. Il vient de loin, il ira loin, il ne connaît pas de limites
Parlez, les mots d’amour sont des caresses fécondantes. Les autres mots ne sont là que pour la commodité de la vie. Aimer, c’est l’unique raison de vivre. Et la raison de la raison, la raison du bonheur. Vous obtiendrez toujours grand enchantement d’aimer, et même de la souffrance d’amour. Les plus grands des poètes ont affronté diversement, avec courage et avec faiblesse, les difficultés de la vie, mais leurs chants d’amour relèvent l’homme de son bourbier"
Et puis Mireille Sorgue (1944.-1967) et sa magnifique « Lettre à l’Amant », (pour en savoir plus, http://www.mireille-sorgue.fr )
«Tu me caresses.
Et je deviens terre inconnue à moi-même dont tu découvres minutieusement le relief ; terre étrangère à la physionomie insoupçonnée, courbes dont nul n’a su les détours que j’apprends avec toi. Nuque, épaule, sein, taille, hanche, cuisse, tu me déroules, tu déroules ce paysage sinueux, cette harmonie de versants, de collines, de bassins, de sillons – et ces plages offerts à ma paresse comme un loisir indéfini, épaule, sein, cuisse…Tu déploies mon corps en un lumineux labyrinthe, tu ouvres en lui de moelleuses perspectives dont je perçois, comme à distance, l’insolite. Face ignorée, tu me dévoiles.
Ou peut-être m’inventes tu ?
(…) Je suis un vœu que tu prononces, que formulent tes doigts (…) Future sous ta main, j’attends de devoir naître. J’attends que tu me donnes forme entre toutes les formes créées, forme de femme unique entre toutes les femmes»
Pour finir, ce texte de Raphaël Zacharie de Izarra, que j’ai trouvé sur son site http://www.ciel-et-enfer.net, aussi étrange que l’auteur mais j’aime assez.
Esthète maudit, je cherche la laideur chez les femmes afin d'accéder à une émotion de prix. J'aime les filles laides au nom de l'amour. Je suis ému à cause de leur maladresse, de leur détresse, de leur fragilité, décuplés chez elles. J'aime leur caractère renfermé, secret. J'aime les filles laides non pour leur visage, mais pour leur âme blessée, pour leurs ailes brisées. Le sommet de l'art amoureux n'est point dans le fait de s'émouvoir de la beauté d'une femme, mais de sa laideur. Voici le genre d'annonce que je passe dans certains journaux :
"Fleurs que l'on dit ingrates, visages maudits par les esthètes de la norme, femmes offensées par votre propre reflet, jeunes filles pour qui les vingt ans n'ont pas tenu leurs promesses, enfin créatures inéligibles au trône de la beauté, vous les naufragées de l'amour, la tristesse et la solitude sont les derniers outrages que vous vous infligez. Votre beauté n'est pas dans l’œil infernal du mâle mortel qui n'est qu'un miroir éphémère, mais dans les mots que vous me destinerez. Ils resteront gravés pour un siècle dans le granit sensible de ma mémoire, dans la pierre vive de mon cœur, dans le marbre de ma tombe future.
Je suis un rêveur éclairé et mes rêves ont l'éclat des mythes. Mon cœur est noble, mon âme est douce, et je pars à la découverte de jolies plumes exercées, ardente et virtuoses, intrépides et fécondes, afin d'entreprendre une correspondance de choix où il sera question de l'éternel amour. J'ai l'imaginaire bohème, le goût du romanesque, le pouvoir des mots. Je suis un guerrier partant à la conquête des exclues de l'amour. Lassé des jolies filles, je choisis la société des humbles demoiselles, trop souvent dédaignées.
Sensible à vos traits modestes, je vous invite à partager le frisson intime, vous les esseulées qui découvrez aujourd'hui mon nom. Croisons nos plumes, échangeons les mots jamais osés, et le miracle épistolaire naîtra. Pour les causes que vous croyez perdues, je suis prêt à plaider, convaincu par vos charmes austères. Par la force des mots vous apprendrez l'amour, et goûterez à son mystère."