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Ecrire de plaisir
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16 mai 2009

historiettes d'oiseaux

"Ce matin j'ai vu six tourterelles perchées sur le tilleul, et la chance a voulu que cette scène soit découpée par les montants de la fenêtre. Elles étaient comme illuminées de silence. Chacune était sur sa branche avec autour du cou comme un demi-collier noir, à la fois très chic et très sobre. Chacune regardait dans la même direction, était extrêmement paisible et paraissait attendre quelque chose, et cela abolissait la différence entre le jour et la nuit. Elles étaient comme les gens d'un village qui sont sortis sur le pas de leur porte pour attendre le passage d'un cortège princier. J'étais le septième là-dedans. Nous étions sollicités par la même claire et petite énigme. Nous attendions quelque chose qu'on avait dû nous annoncer, d'à la fois inhabituel et de rare. J'ai senti que l'arbre lui-même était pris dans la même attente. Je n'avais jamais assisté à quelque chose de cet ordre-là. Evidemment dans le visible il ne s'est rien passé, aucun cortège n'est arrivé, mais j'en ai éprouvé une paix inimaginable. C'était six âmes dans une attente paisible et sure. C'était une magie invraisemblable (...). Ensuite, le temps est revenu tout doucement. J'avais participé tout doucement à un petit mystère. Des moments comme celui-ci sortent quelque chose de ma vie pour le rendre incorruptible, car ils sont délivrés du temps"
Christian Bobin, La Lumière du Monde, 2001, Ed. Gallimard, Folio.

"Une hirondelle qui n’a pas eu le courage de partir avec ses compagnes s’est réfugiée contre une fenêtre de ma classe. Or, cette quatrième traduisait un petit texte latin, Olim hirundini beata vita in agris fuit. «Autrefois, l’hirondelle avait une vie heureuse aux champs »... Se sentant concernée, celle-là resta toute l’heure à nous écouter"
Jean Biès, Carnets

"Qu'est-ce qu'être heureux, justement, si ce n'était retrouver (...) ce temps d'Eden à quoi chaque oiseau, chaque pierre et chaque arbre était accordé comme la lumière au soleil ? Le bonheur c'était cet accord parfait, la note juste que (...) peut chanter notre âme lorsque l'aile de l'ange l'effleure. Dès lors, rien ne peut rompre cet accord parce qu'il jaillit des sources et non plus des larmes ; il sourd de chaque chose, à tout instant, sans autre propos que son évidence, sans autre ambition que l'harmonie, sans autre pouvoir que sa propre puissance. Il n'abolit rien ni de la souffrance ni de la mort : il les sauve du chaos. Il est le mystère, l'ineffable mystère, insaisissable comme une musique divine - la suavité éclatante de la Joie.(...) Mon horrible tristesse d'hier ? Je m'étais tout simplement désaccordée du monde.(...). Cette réalité était si évidente, si vraie, que j'esquissai deux pas de danse sur les vieux pavés du petit port (...) une mouette se mit à rire sur le mât d'un chalut et dans le ciel, l'arc de trois hirondelles flécha le soleil" Hélène Grimaud, Leçons Particulières, 2004, Ed. Robert Laffont, pocket

Ces trois beaux extraits de livres mettant en scène des oiseaux,  sont mon hommage de ce jour au rossignol éperdu de joie qui trille avec l'ivresse du virtuose chaque nuit près de ma maison, ourlant passionnément le silence. Sa conviction, sa constance, le nombre infini de combinaisons de ses roulades enchantent mes insomnies et me donnent envie de rire de joie. Bien sûr, le jour, je vois et j'entends des pies, des moineaux, des rouges gorges, des hirondelles, des martinets, de petits rapaces et que sais-je encore. Mais lui, il chante la nuit (qui a dit "C'est la nuit qu'il est beau de croire à la lumière ?"), cela me plaît et me touche encore davantage.

Et je trouve que les premiers mots du premier extrait "Ce matin j'ai vu six tourterelles" feraient un beau départ de nouvelle. Avis aux amateurs ??

Si vous voulez en savoir plus sur Olivier Rameau dont je parlais dans mon billet précédent, deux sites, parmi de nombreux autres :

http://www.bdparadisio.com/rameau.htm

et le suivant, où vous pourrez admirer la magnifique fresque ayant pour sujet les personnages de cette bande dessinée, qui orne un mur de la ville de Bruxelles.

http://bdmurales.skynetblogs.be/post/3765207/1

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Commentaires
C
Olim hirundini beata vita in agris fuit. Nam ibi propter pulcherrimam vocem inter agnes regnabat. Mane, cum agricolae segetes secabant, ... <br /> <br /> Je cherchais la suite de ce texte appris par coeur en 4ème (ce qui remonte à... aïe... 33 ans !) et je tombe via google sur votre blog ! :o)<br /> <br /> M'enverriez-vous la suite ?<br /> Mille mercis pour cette petite récré !<br /> Charlotte
H
C'est vrai ça, si je dis "feu", ça va effrayer nos tourterelles, non ?<br /> Elle a raison Mary l'eau. Que fait-on de la nouvelle sur l'arbre ?<br /> J'ai beaucoup aimé ces textes. En commençant le premier, je me suis dit "ben vrai, Hélène al' cause comme Christian Bobin, c'est dingue !" Et c'était lui, pas toi. Je vous ai confondus !<br /> Biz
M
Bon c'est parti pour moi... On peut la faire gore l'histoire ????<br /> <br /> Je te dirais pourquoi après et à quoi ces tourtelles (ou plutôt à qui) me font irréristiblement penser !<br /> <br /> Pour l'arbre et le lac, on t'envoie ce que l'on a fait où ????<br /> <br /> Bizzz<br /> Marylo
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  • parce que j'aime lire et écrire et que, comme je l'ai découvert grâce aux ateliers d'écriture, c'est plus drôle à plusieurs. Parce que c'est passionnant de partager ce que l'on aime (ou pas) avec d'autres et de créer ainsi des liens.
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