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Ecrire de plaisir
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23 décembre 2009

Un Noël...

La main posée sur son ventre rond, la jeune femme rêve en contemplant le ciel. Là-haut, l’étoile du berger brille déjà. De la salle à manger lui parvient la voix de son mari fredonnant “Il est né le Divin Enfant”, Elle sourit. Ses pensées s’envolent vers cette autre femme qui elle aussi, il y a 2000 ans, attendait un fils...

                                                             ***

“Fils de l’étoile”, c’est ainsi qu’en son for intérieur Youssef aime à se nommer, en hommage à cette étoile qui jadis a guidé l’un des siens vers le petit Roi venu sauver l’humanité.

“Et voilà comment nous l’avons remercié !” songe le jeune homme avec amertume - le meurtre, la guerre, la violence et le sang toujours. “Une fois de plus, ce soir c’est l’anniversaire de ta venue, Messie. Une fois de plus ton étoile annonce aux hommes l’avènement de leur Sauveur. Et une fois de plus pour célébrer cette merveille, on s’étripe allégrement aux quatre coins du monde. Moi-même, je suis là comme un imbécile à surveiller le désert avec mon fusil...”

Il s’est interrompu brusquement, éberlué, doutant de sa vue ou de sa raison. Devant lui, dans le ciel, vient d’apparaître une femme auréolée de lumière. Et manifestement sur le point d’enfanter.

“Ça y est, je perds la boule !”

                                                           ***

Eve marche, nue et honteuse de l’être. Elle est seule. Adam a refusé de la suivre. Il est demeuré obstinément campé devant le Jardin désormais interdit. Quant à ses fils... le cadet a fui après avoir tué son aîné. Le dernier est parti. Depuis, elle marche, sans savoir pourquoi ni vers quoi. Mais elle est lasse. Si lasse. Elle n’ira pas plus loin. Lourdement, elle se laisse tomber sur le sol, puis s’allonge. Comme le ciel est beau ce soir, que d’étoiles ! L’une d’elles scintille avec plus d’éclat que les autres et Eve, fascinée, y rive son regard, envahie brusquement d’une joie absurde.

                                                            ***

La femme se tord dans les affres de l’enfantement., sous le regard de Youssef désespéré de son impuissance. Et voici que soudain, devant elle, se matérialise un monstre, un immense dragon rouge dont les sept têtes font claquer avidement leurs gueules. Dans son impatience de dévorer l’enfant, sa queue fauche le tiers des étoiles et les jette sur la terre. Fou de rage, Youssef crie “ah non !” Il épaule, vise...et s’écroule.

                                                            ***

Eve s’est redressée. A-t-elle rêvé ou est-ce un cri qu’elle vient de percevoir ?. Tendue, elle écoute. Non, elle ne se trompe pas, un autre a retenti. On dirait une femme  qui...Une émotion depuis longtemps oubliée la bouleverse, et Eve la flétrie se relève et se met à courir.

...Elle court, court  à perdre haleine, mais il lui semble ne pas avancer. Cette dune là-bas, demeure toujours aussi éloignée, elle suffoque, ralentit, elle va s’arrêter, mais avec un grondement de colère, reprend sa course. Elle doit en avoir le cœur net, rien d’autre ne compte. Et si elle y laisse sa vie, quelle importance, qui la regrettera...Ah !!

Allongée sur le sable, une jeune femme est bien en train d’enfanter. Mais à quelques pas, un dragon guette, prêt à happer le nouveau-né.

“Mais...je te connais, toi !!!”

Soulevée d’une rage qui pulvérise toute trace d’épuisement, Eve se jette entre la bête et sa proie

“Pas cette fois, sale bête ! Celui-là, tu ne l’auras pas !”

L’enfant est né. Sa mère, l’enveloppe dans son manteau, et avec un sourire, le tend à l’autre femme.

                                                            ***

Un long frisson secoue Adam. Péniblement il émerge de sa torpeur, réintègre le monde extérieur, s’interroge. Rien n’a changé, il est toujours seul, et face à lui, les gardiens de l’Eden, inflexibles brandissent toujours leurs glaives de feu. Qu’est-ce donc qui l’a troublé ? Enfin, il prend conscience qu’un événement est en train de se produire. Les chérubins sortent de leur immobilité : tous ensemble, lentement, ils lèvent vers le ciel leurs armes dont les flammes tournoyantes les dissimulent aux yeux de l’homme, et tandis que leur louange emplit soudain le silence, une croix apparaît brièvement au centre du brasier, et un visage, au regard infiniment doux. Une voix, La Voix adorée qu’il pensait ne plus jamais entendre, dit :

“Celui-ci  est mon fils bien aimé. A cause de son nom, vos péchés sont pardonnés”.

Puis le silence retombe. Le désert est vide. Plus de gardiens, plus de jardin. Mais Adam n’en a cure, ce temps est révolu. Toute son ardeur revenue, Il se lève d’un bond. Il doit retrouver Eve ! il faut lui dire ! Et lui aussi, à son tour, se met à courir.

                                                           ***

Youssef ouvre les yeux. Abasourdi, il retrouve le désert, et, face à face, la femme, et la Bête.

“Je ne suis donc pas mort ? Le bébé !!! Non, tout va bien. Mais... mais qu’est ce qu’elle fait !”

Sans s’attarder sur l’autre femme, il fixe avec horreur la jeune mère, qui se dirige résolument vers le Dragon. L’issue est inévitable; Mais, sous ses yeux ébahis, l’impensable se produit : la Bête bat en retraite !  Comme un chien qui craint le bâton, à mesure que son frêle adversaire avance, elle recule, se replie sur elle-même se recroqueville, diminue de volume. Bientôt ne reste plus dans le sable qu’un serpent, que la femme écrase. Dans le désert, un chant s’élève.

                                                          ***

Incrédule, Eve contemple la mère et l’enfant qu’elle lui tend. Sa gorge nouée refuse de formuler les pensées qui s‘affolent dans son esprit. Ce n’est pas possible, Elle ne peut porter cet enfant, pas elle, pas celui-là... Mais le bébé lui tend les bras, son regard accroche le sien...sans plus résister, elle s’avance, le saisit, serre contre elle le petit corps doux et chaud, dont la bouche, immédiatement, cherche son sein. Et ce sein qu’elle croyait tari à jamais se gonfle. Chaque aspiration de l’enfant semble libérer à nouveau en elle la vie, la force, la beauté. Et elle se met à chanter, pour l’enfant et sa mère, pour le monde qui vient, pour le pardon du Père qu’Adam vient lui porter à elle, à Youssef, et à toutes les étoiles tombées qui à présent se relèvent et peuplent le désert.

                                                         ***

Bercé par le trot du petit âne, L’enfant s’est endormi.dans les bras de sa mère. De temps à autre Marie se tourne vers Joseph et lui sourit. A leur suite viennent en dansant les premiers enfants de la création et tout le peuple des rachetés. Cette nuit, la terre est jeune, et l’avenir intact...

                                                         ***

“Chérie, tu rêves ?” Arrivé doucement derrière elle, son mari enlace la jeune femme, et posant les mains par-dessus les siennes sur son ventre murmure :  “Joyeux Noël à vous deux !”

Un dernier regard à l’étoile. La jeune femme referme la fenêtre, se retourne en souriant et dit :

“Nous l’appellerons Emmanuel, tu veux bien ?”

Helaine

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Commentaires
C
Merci Hélène pour être venue sur mon blog, je viens de lire ton conte,il me plait beaucoup.<br /> Tu écris, je photographie, je pense que nous voyons la vie autrement.<br /> <br /> Amitié KOL
Ecrire de plaisir
  • parce que j'aime lire et écrire et que, comme je l'ai découvert grâce aux ateliers d'écriture, c'est plus drôle à plusieurs. Parce que c'est passionnant de partager ce que l'on aime (ou pas) avec d'autres et de créer ainsi des liens.
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