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Ecrire de plaisir
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2 juillet 2011

Catananche et quelques anges

Brève visite, juste pour vous parler d'une fleur dont j'ai entendu le nom pour la première fois aujourd'hui : la catananche, dont le nom grec signifie "philtre d'amour", ce qui explique sans doute pourquoi son nom commun est "cupidone" !

C'est une fleur méditerranéenne qui, m'a dit joliment mon interlocuteur "s'ouvre au premier chant des cigales et meurt avec elles"  L'avantage c'est que, comme beaucoup de plantes méditerranéennes, elle pousse toute seule. Et regardez ce beau bleu intense !

 

catananche2_2_abdb0

 

Moi, évidemment (ceux qui me connaissent ne s'en étonneront pas), quand le monsieur m'a donné le nom de la fleur j'ai d'abord compris "catanange", alors (admirez la transition) je vous livre ici deux jolies histoires d'anges que nous devons à Henri Gougaud

Deux démons se rencontrent au marché où ils sont venus vendre leurs marchandises avariées. L'un d'eux est en pleine forme mais l'autre a l'air patraque. Le premier s'écrie

- Tu en as une petite mine !

- Ne m'en parle pas, je souffre mille morts, j'angoisse...

- Il faut aller consulter un mécanicien des âmes, j'en connais un très réputé...

- C'est inutile : je suis possédé par un ange et quoi que je fasse, j'ai bien peur qu'il ne veuille pas me lâcher !

catananche1_25a31

Le Rossignol

Il était un roi d'Occident à l'intelligence appliquée, aux gestes toujours un peu las, aux silences déconcertants. En vérité, il s'ennuyait. Son palais ? Royal, sans surprise, pourvu de tout ce qui finit un jour par lasser, femmes, jeux, conseillers, savants, bibliothèques, hautes fenêtres. Son parc ? Jets d'eau, arbres taillés par les plus grands coiffeurs du monde, haies de buis et gravier crissant, massifs de fleurs géométriques. Bref tout était, chez ce roi-là, si parfaitement ordonné qu'il fut pris, un soir de juillet, d'un élan révolutionnaire.

- Je sors, dit-il. Non, ni garde du corps, ni carrosse. Je vais juste me promener. Bonsoir.

Seuil du jardin, perron de marbre. Devant lui, l'allée de statuettes et de cyprès au garde-à-vous. Il s'en fut, les mains au dos, la tête basse, au fond du parc. Mur d'enceinte habillé de lierre.

- Je n'ai plus qu'à m'en retourner, pensa le roi. Qu'est-ce qui m'a pris de vouloir sortir sans escorte, sans même savoir où aller ?

Il soupira, et que vit-il, une porte basse, modeste, peinture écaillée, clé rouillée. Il la poussa. Elle résista, gémit, s'ouvrit à moitié. Il franchit le seuil, s'arrêta et regarda, un peu craintif.

De la folle avoine partout, de grands arbres au feuillage hirsute, des buissons touffus ça et là.

- Quel drôle d'endroit, se dit le roi.

Et voilà que soudain là-haut, dans la verdure, naquit une musique. Elle était vive, elle était tendre, elle faisait rire le soleil, elle faisait danser la lumière. Le roi, la tête au ciel, en resta bouche ouverte. Il pensa :

- Ce doit être un ange caché sous des plumes d'oiseau. Pour chanter aussi bien, comme il doit être beau !

Il le chercha parmi les branches mais ne put l'apercevoir. Le chant dans l'ombre s'éteignit. Le roi s'en revint au palais le coeur battant, l'oeil ébloui. Il convoqua ses conseillers.

- Messieurs, dit-il, grande nouvelle. Au-delà du parc est un lieu où chante un prodige d'oiseau. Il est assurément royal et d'une beauté sans pareille. Trouvez-le vite, je l'attends.

On battit les buissons, les herbes, on grimpa aux arbres, on attendit, assis par terre. Le chant s'éveilla dans la nuit. Il était proche. On le cerna et l'on bondit sur la bestiole. Un rossignol. Un roi, cela ? Il était couleur feuille morte, il tenait au creux de la main. On l'enveloppa dans un linge, on le porta, vite au palais. Le roi dînait. Il prit l'oiseau, l'examina et fit la moue.

- C'est une erreur, il est quelconque,  dit-il enfin. Allons mes gens, une musique aussi parfaite ne peut sortir d'un tel gosier ! Mais nous en aurons le coeur net. Chante, petit.

L'oiseau se tut.

- Renvoyez le à ses feuillages. Assurément ce n'est pas lui que j'ai entendu tout à l'heure.

Le roi  revint le lendemain et tous les matins de sa vie guetter la voix miraculeuse. Il s'en émut, il s'en emplit. Mais appela en pure perte celui qu'il imaginait beau puisque son chant touchait son âme.
Lui vint une mélancolie qu'on estima inguérissable. Il en ignorait la raison. Il ne savait pas que les êtres qui, parfois, sèment sur nos têtes quelques graines de paradis sont des oiselets démunis, et qu'au regard des rois du monde qui ne veulent voir de beauté qu'à la mode de leur palais, les anges sont peut-être laids.

 

Très bonnes vacances à ceux et celles qui ont la chance de partir, et bon courage aux autres !

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Commentaires
P
Je garde ce conte pour mes petits enfants. Avec 5 maintenant, j'ai du travail!!!!<br /> <br /> Belle soirée, <br /> <br /> Pierre
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  • parce que j'aime lire et écrire et que, comme je l'ai découvert grâce aux ateliers d'écriture, c'est plus drôle à plusieurs. Parce que c'est passionnant de partager ce que l'on aime (ou pas) avec d'autres et de créer ainsi des liens.
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