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Ecrire de plaisir
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17 octobre 2010

Le Thérapeute

Vraiment étrange ce qui traverse l'esprit, ce qu'il tire de l'imagination en réponse à une image... Invitée à tirer une carte à l'aveugle dans une pile, je suis tombée sur cette oeuvre de René Magritte intitulée le Thérapeute.

image3

Nous devions composer un texte à partir de ce que cette image nous suggérait. Mes premières listes de mots et d'impressions étaient plutôt poétiques, un peu mélancoliques, voire tristes... et voici après quelques heures de remue-méninges, écriture et réécriture ce qui en est sorti, à mon grand étonnement.

La lune est au rendez-vous. Mince courbe presque invisible, mais présente. Et amicale. Et la nuit est douce, discrètement étoilée, accueillante Plus loin les grenouilles déroulent leur mantra monotone ; plus loin encore, le grondement d’un tracteur, des voix qui s’interpellent. Il les accueille avec contentement. C’est un progrès. Quelques jours plus tôt, il aurait fui ces signes d’une vie normale, au moins en apparence, alors que la sienne était une véritable catastrophe.
Le rossignol qu’il a failli tuer, ou peut-être un de ses frères, fait jaillir sans préavis une cascade de notes puis se tait, comme s’il avait brusquement pris conscience que le moment n’était pas encore à la joie débordante. Il lui en est reconnaissant. Un gloussement incongru salue cette pensée. Ça aussi c’est nouveau. Et c’est bon. Maintenant il peut accepter de réentendre ce mot et de revoir le visage de celui qui le prononçait avec tant d’ironie méprisante.

«  Je vous suis reconnaissant – disait-il – oui, extrêmement reconnaissant. Vous m’avez vraiment édifié et je vais m’empresser d’en faire autant pour mes lecteurs – oui, je suis journaliste. Je souhaitais depuis longtemps écrire un article sur vous et votre enseignement. Pardonnez-moi cette cachotterie, mais si je vous avais mis au courant vous n’auriez sûrement pas été aussi…naturel ! »

Il avait eu envie de le tuer. Là, tout de suite. Au point où il en était…S’il le laissait partir, l’animal déballerait toute la vérité, dévoilerait son imposture. Les autres ballots s’extasiaient « oh journaliste, c’est super ! ». Ils n’avaient rien capté, comme d’habitude ; mais lui voyait fort bien la lueur mauvaise dans le regard fixé sur lui, entendait la menace derrière les paroles mielleuses. Mais il n’avait rien fait. Il s’était retrouvé seul sans avoir eu conscience du départ de ses « disciples ». Il eut un reniflement de dérision. « Disciples » ça sonnait bien pourtant. Il avait toujours eu le chic pour accommoder à sa sauce les idées des autres et le flair pour sentir ce qui allait marcher. Et il en avait profité un maximum. Jusqu’à ce maudit « stage de marche méditative ». Il avait piqué ça dans le bouquin de l’un de ces sages asiatiques au nom à coucher dehors qui fleurissaient depuis quelque temps dans toutes les librairies. Ça et tout le reste. Son « enseignement » n’était qu’un salmigondis de préceptes dont il n’avait que faire, mais qu’il savait distiller aux bons clients. Il aurait peut-être dû potasser un peu plus cette histoire de karma… Il remua, mal à l’aise. Depuis, il faisait de fréquentes visites à la clairière et restait là, assis dans l’herbe, à réfléchir : il n’avait plus que cela à faire ! Et peu à peu, à sa grande surprise, il avait découvert que peu lui importait d’être ruiné, traîné dans la boue, peut-être même bientôt jeté en prison. Puis, que l’obligation de penser par lui-même, et de découvrir qui était ce « lui-même » qu’il ignorait totalement, passé la première terreur, lui plaisait plutôt. La seule chose qui le gênait, terriblement en fait, c’était la pensée de tous ceux qu’il avait grugés. Même si la plupart, il en était certain, ne s’en étaient même pas rendu compte, lui le savait.

Il soupira. Il était bien. Tout à fait bien. Mais il fallait rentrer. Il se leva, actionna peut-être pour la dernière fois la télécommande de son coûteux véhicule, rallia , « à tombeau ouvert » pensa-t-il en riant, sa somptueuse résidence, étonné de ne pas y être attendu, comme chaque jour depuis que le journaliste l’avait surpris dans la clairière donnant libre cours à son mépris pour ses adeptes. Cette fois, un attaché-case était posé devant sa porte. Dedans, une cassette vidéo, des photos, quelques feuillets manuscrits, le tout accompagné d’un mot laconique : « Maintenant, à vous de voir ».

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  • parce que j'aime lire et écrire et que, comme je l'ai découvert grâce aux ateliers d'écriture, c'est plus drôle à plusieurs. Parce que c'est passionnant de partager ce que l'on aime (ou pas) avec d'autres et de créer ainsi des liens.
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