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Ecrire de plaisir
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10 juin 2010

Le conte, le cirque et le bijouteur

Aujourd'hui un vent tiède mais vigoureux secoue les fenêtres, tempérant un peu la grosse chaleur. Non, non, je ne me plains pas, on a trop attendu le soleil pour le critiquer ! Comme promis je vais vous partager le conte que j'ai raconté lors de la promenade de la Tour d'Aigues. Encore un joyau d'Henri Gougaud. Mais comme je vous ai déjà parlé de cette promenade sur le thème des arbres, je reviens un peu sur la deuxième édition du Festival du Petit Bois qui s'est déroulé chez moi les cinq derniers jours de mai. Beau temps, spectacles variés (cirque burlesque, marionnette, jonglerie, contes), plein de monde sur l'immense terrain mis à disposition (les gens venaient de plus de 30 km, nous avons même eu des cars scolaires des départements limitrophes !). Surtout, plein de jeunes enfants qui couraient, criaient, se roulaient dans l'herbe, entraient et sortaient des tentes. Le stand de ventes d'objets de jonglerie
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prêtait ses bâtons, boules de flamme et autres poïs aux amateurs qui s'exerçaient avec ardeur sinon habileté, faisant comme des fleurs vivantes au milieu de tout ce vert. Point remarquable, spontanément tous les adultes surveillaient les petits pour éviter qu'ils ne s'aventurent trop près des jongleurs ou ne filent vers la route, les occupant ou les aidant à retrouver leurs parents.

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Tout cela vous avait un petit air de Woodstock très agréable. Un souvenir attendrissant que je garderai, parmi d'autres, de ces excellentes journées : sous un chapiteau, deux jongleurs s'exercent entre deux numéros. L'un d'eux se met à faire le poirier plusieurs fois. Une petite poupée de deux ou trois ans maximum qui vient de pénétrer sous la tente s'arrête, fascinée. Puis elle se met en devoir d'essayer de faire la même chose. Sans grand succès mais, alerté par les rires et les encouragements, l'un des artiste la voit, vient l'aider et finit par lui faire faire, à son grand ravissement, un tour de piste en triomphe sur ses épaules ! Autres merveilleux moments, deux spectacles très différents l'un de l'autre mais tout aussi magiques, l'un sur le Petit Prince et l'autre, intitulé "Histoire de vent", sur le vent fâché qu'on lui ait volé ses zéphirs, ses brises et tous ses vents-douceurs. Je participais également, avec deux amis. On nous avait attribué la "Tente berbère", emplie de poufs, canapés, fauteuils et divans. Nous avions l'heure précédant le déjeuner et on nous avait donc demandé de préparer un conte chacun, deux au maximum. En fait l'assistance, fluctuante mais très attentive et "gourmande", nous en a demandé trois chacun et nous a même accompagnés au repas pour continuer les discussions ! Vraiment très gratifiant.
J'ai retrouvé là un artisan qui m'avait séduite l'an dernier, autant par son talent que par sa bonhomie, le Bijouteur de cailloux (Patrice Comet : 04 90 09 15 27 - 06 75 07 42 80 - papinoma@wanadoo.fr).

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Désolée du manque de netteté de ces photos, ça vous donne tout de même une idée.

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Il était monté en grade et s'intitulait désormais le "Bijouteur de n'importe quoi" ou "Bijouteur de bidules" ! Les bidules pouvant être ceci
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ou cela (parmi bien d'autres créations !)

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Enfin, un grand succès et de part et d'autre, organisateurs et municipalité, la volonté de poursuivre l'expérience les années qui viennent. Chic !

Vous avez été très patients, je ne vous ferai pas languir davantage, voici le conte d'Henri Gougaud.

L’arbre

Dans un pays aride s’élevait autrefois un arbre prodigieux.
Sur la plaine, on ne voyait que lui, largement déployé entre les blés et le ciel. Personne ne savait son âge.
Des femmes stériles venaient parfois le supplier de les rendre fécondes, les hommes en secret cherchaient auprès de lui des réponses à des questions inexprimables, mais personne jamais ne goûtait à ses fruits.
Ils étaient pourtant magnifiques, si luisants et dorés le long de ses deux branches maîtresses qu’ils attiraient les mains et les bouches des enfants ignorants.
Eux seuls osaient les désirer. On leur apprenait alors l’étrange et vieille vérité.
La moitié de ses fruits était empoisonné. Or tous, bons ou mauvais, étaient d’aspect semblable.
Des deux branches ouvertes en haut du tronc énorme, l’une portait la mort, l’autre portait la vie, mais on ne savait laquelle nourrissait et laquelle tuait. Et donc on regardait, mais on ne touchait pas.
Vint un été trop chaud, puis un automne sec, puis un hiver glacial. La famine envahit le pays. Seul sur la plaine, l’arbre demeura immuable. Aucun de ses fruits n’avait péri.
Les gens, voyant ce vieux père miraculeusement rescapé des bourrasques, s’approchèrent de lui, indécis et craintifs. Ils se dirent qu’il leur fallait choisir entre le risque de tomber foudroyés, s’ils goûtaient aux merveilles dorées qui luisaient parmi les feuilles, et la certitude de mourir de faim, s’ils n’y goûtaient pas.
Comme ils se laissaient aller en discussions confuses, un homme dont le fils ne vivait plus qu’à peine osa soudain s’avancer. Sous la branche de droite il cueillit un fruit, le croqua et resta debout, le souffle bienheureux. Alors tous à sa suite se bousculèrent et se gorgèrent des fruits sains de la branche de droite qui repoussèrent aussitôt, à peine cueillis, parmi les verdures bruissantes.
Les hommes s’en réjouirent infiniment. Huit jours durant ils festoyèrent, riant de leurs effrois passés.
Ils savaient désormais où étaient les rejetons malfaisants de cet arbre : sur la branche de gauche. Leur vint une rancune haineuse. À cause de la peur qu’ils avaient eu d’elle, ils avaient failli mourir de faim. Ils la jugèrent bientôt aussi inutile que dangereuse. Un enfant étourdi pouvait un jour se prendre à ses fruits mortels que rien ne distinguait des bons. Ils décidèrent donc de la couper au ras du tronc, ce qu’ils firent avec une joie vengeresse.
Le lendemain tous les bons fruits de la branche de droite étaient tombés et pourrissaient dans la poussière. L’arbre amputé de sa moitié mauvaise n’offrait plus au grand soleil qu’un feuillage racorni. Son écorce avait noirci.
Les oiseaux l’avaient fui. Il était mort.
Ombre et lumière, thérapies et poisons coexistent dans la nature.
Sachons les faire coexister en nous.

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Cet arbre saisissant, quant à lui, se trouve dans les jardins de Chaumont sur Loire dont je vous parlerai bientôt.

Belle journée.

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Commentaires
F
Je viens de lire les commentaires au sujet de mon blog , je te remercie. Je parcoure le tien et ton écriture est fantastique tu as une belle plume, au plaisir de te relire. Je ne sais pas si tu as lu aussi le blog de ma fille, elle aime écrire sur les voyages son blog est http//chroniqueshotessedelair.wordpress.com
Ecrire de plaisir
  • parce que j'aime lire et écrire et que, comme je l'ai découvert grâce aux ateliers d'écriture, c'est plus drôle à plusieurs. Parce que c'est passionnant de partager ce que l'on aime (ou pas) avec d'autres et de créer ainsi des liens.
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