Tournebelle...belle...belle
Aujourd'hui je vous partage un très beau texte écrit par un ami. La superbe photo est également de lui.
Les dernières syllabes
Après avoir quitté Narbonne par le sud, l’autorail enfin libéré de l’enchevêtrement des aiguillages, montrait alors toute sa puissance. Dans le ronronnement rageur de son moteur, il avalait devant lui tout l’espace de lumière. Sur son cordon de terre il longeait les étangs, nous étions cernés par le miroir des étendues liquide peu profondes ; elles renvoyaient à nos yeux éblouis la beauté scintillante de leurs mille feux réfléchis.
Gruissan Tournebelle, Port la Nouvelle, Sigean...Leucate-la Franqui.
Gruissan Tournebelle....belle...belle...
Port la Nouvelle...elle...elle...
Sigean ...jean...jean...
La Franqui...qui...qui... les dernières syllabes échappées de la bouche du chef de station, s’envolaient rieuses dans l’azur.
Dans la lumière éclatante et vaporeuse, sous le crin-crin lancinant des cigales, ces petites gares toutes blanches semblaient engluées dans l’odeur de résine chaude. Alors, pendant les quelques minutes d’arrêt, cette paix joyeuse enchantait mon cœur d’enfant.
Petite gares nimbées de lumière, comme je vous regrette ! Je suis
toujours amoureux du nonchalant, j’aime respirer lentement la campagne
qui défile à vitesse humaine, j’ai la nostalgie des petits tortillards
empanachés. Où est à présent la petite maison du garde avec sa
barrière qu’il ouvrait sur les chemins poussiéreux de la liberté ? La
porte de ce royaume s’est refermée. Pour le retrouver il faudrait
l’attrait du lointain, de l’ailleurs, de la terre cachée.
Mais je
refuse de voir les grandes gares devenir des cathédrales vides. Alors,
à regret, j’accepte le changement, plus supportable que l’extinction
complète des trains.
L’homme veut se connaître dans son indicible obscurité. L’ailleurs c’est une région mal située, c’est un monde vaporeux qui se dérobe sans cesse au désir du voyageur et qui nous masque notre ignorance et notre exil.
La clé du grand voyage, du vrai bonheur c’est de savoir goûter à l’instant présent.
Sur le fil les hirondelles se consultent :
« Est-ce que cela vaut la peine de faire ce long voyage, il n’y a plus d’hiver, la neige sent le loup et la noisette »
J’aimerais que sur chaque colline tourne encore un moulin à vent, sur chaque torrent un moulin à eau et que les moulins à soleil remplacent les gigantesques éoliennes.
Tout se passe comme si le changement de l’humanité sautant du cheval-crottin au cheval vapeur et au galop endiablé du T.G.V, nous emportait si vite que notre passé le plus proche et le plus lointain est avalé dans le même horizon rectiligne.
J’ai la nostalgie de la fumée des trains et des hirondelles sur le fil.
Hubert
Et si vous aussi vous voulez voyager, rendez-vous sur http://jo-zoe.e-monsite.com ou deux amies vous racontent avec esprit, drôlerie et moults détails passionnants leur périple (leur épopée !) de six mois à travers l'Amérique du Sud, abondamment et très joliment illustré. Idéal pour se réchauffer le moral par cet hiver qui n'en finit pas !