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Ecrire de plaisir
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4 février 2010

Où sont les enfants ? Où sont les forêts ?

Voici la fin de l'histoire des arbres. C'est également une expérience car comme je ne suis pas sûre de pouvoir venir sur ce blog demain, je teste la programmation anticipée du billet.

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(...) On vit d'énormes bulldozers armés de chaînes foncer vers les forêts, menaçant de les abattre par pans entiers, d'un seul coup, comme ils en avaient pris l'habitude. Mais les arbres, inébranlables, résistaient : rien ne put, dès lors, entamer leur bois. Dur comme l'acier, il résista à tous les assauts. Même les épicéas moribonds, grands spectres desséchés qui tendaient vers le ciel leurs longs doigts décharnés avaient acquis une force indomptable. Les hommes étaient désespérés. Assis sur les talus, ils fulminaient de rage et d'impuissance. Comment creuser le sol des forêts pour en retirer le précieux minerai si les arbres leur tenaient tête ? Comment élever leur bétail ? Comment étendre leurs cultures ? Comment construire leurs routes ? Comment faire ?
Alors, ils eurent l'idée de s'y prendre autrement. Puisque les arbres ne pouvaient être abattus, il fallait les brûler ! On ne pourrait plus récupérer le bois, mais peu importait… L'homme était le plus fort, il l'avait toujours été.
Les enfants entendaient ces discours terribles. La nuit, ils retrouvaient leurs compagnons et s'alarmaient.
- Comment allons-nous sauver la forêt ? demandaient-ils aux Sélénites.
Mais les Sélénites restaient muets. Eux non plus, ne savaient que faire. Pourtant… un jour, ils avouèrent :
- Il y a bien une solution mais elle peut être très grave. Les hommes ne pourront plus trouver les plantes qui apaisent leurs maux, ils connaîtront la soif et la faim car leur planète sera stérile à jamais. Mais si vous aimez votre forêt, il n'y a qu'un moyen pour la sauver et punir, du même coup, les hommes.
Les enfants condamnèrent les hommes. Ce fut leur choix. Alors, tout se passa très vite.
Un soir, on vit glisser des ombres furtives dans les sentes, dans les layons, les tortilles, les routes du bois. Aux pieds des grands chênes à pattes de lion, se tenaient des conciliabules. Les enfants parlaient aux arbres et leur confiaient leur dernier secret.
Les hommes, confiants et sereins, dormaient paisiblement dans leurs lits douillets. La forêt allait partir en cendres, dès le point du jour. Tant pis pour le bois ! L'homme n'était pas sans ressource, après tout !
Mais soudain, la terre se mit à trembler, agitée de mille soubresauts. Son gigantesque grondement effraya les hommes, brutalement tirés de leur sommeil. Ne trouvant plus les enfants dans leurs chambres, ils se précipitèrent hors de leurs maisons, en les appelant de toute la force de leur voix terrifiée :
- Frantz !
- Igor !
- Jimmy !
- Nathalie !
- Mamadou !
- Pablo !
- Les enfants !
Les hommes avaient du mal à tenir sur leurs jambes car la terre, ivre de colère, était prise de convulsions. Ils virent même, à l'horizon, des collines se déchirer le ventre et engloutir les lacs, les sources, les ruisseaux. D'énormes ondulations venues des profondeurs du sol couraient à la surface et se perdaient en direction des forêts. Les hommes, intrigués, se précipitèrent vers les lisières des bois et virent alors un spectacle qui les terrifia.
Tous leurs enfants étaient là, devant eux, mais ils ne pouvaient les approcher car les arbres arrachaient des entrailles de la terre leurs puissantes racines qu'ils dressaient en bouquets menaçants entre les enfants et les hommes. La terre gémissait à chaque arrachement tandis que les racines zébraient l'air comme des fouets en le faisant siffler. Le vacarme était assourdissant. Les grands troncs, libérés de leur entrave, oscillaient un instant et lentement, se penchaient, se penchaient…. Les enfants hurlaient de joie ! Les hommes virent leurs enfants enfourcher les troncs, et se serrer les uns contre les autres. Les arbres s'offraient en montures ! Les longues branches se courbèrent tendrement vers les troncs, embrassant de leur ramure les grappes d'enfants qui disparurent peu à peu derrière le lourd feuillage. Sous le berceau protecteur des ramées, on entendait fuser les rires et les cris de victoire.
Alors, les hommes virent les arbres s'ébranler doucement, quitter la terre et monter, monter sans fin, vers le ciel, vers le firmament, pour un dernier voyage, pour fuir ailleurs, toujours plus haut, toujours plus loin, hors du temps et de ses douleurs.
Depuis, les hommes voyagent, de planète en planète, cherchant leurs forêts, leurs enfants…

images

Où donc ont-ils trouvé refuge ?
Mais cela, seuls les enfants le savent...

Jacques-René Fiechter

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  • parce que j'aime lire et écrire et que, comme je l'ai découvert grâce aux ateliers d'écriture, c'est plus drôle à plusieurs. Parce que c'est passionnant de partager ce que l'on aime (ou pas) avec d'autres et de créer ainsi des liens.
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